En 2015, je travaille au journal Le Monde. Alors que je prends une pause sur la terrasse ensoleillée, un nuage fait son apparition au-dessus du toit. Mais pas n’importe quel nuage : il a la forme de la Bretagne. Vite, je sors mon téléphone et je le prends en photo. Puis, quelques jours plus tard, j’y ajoute quelques villes sur Illustrator et je poste l’image sur Twitter. Le projet #thingsMaps était né.

Il est assez commun de repérer des formes dans les nuages, en laissant divaguer son imagination. Cela porte même un nom : on appelle ça de la paréidolie, c’est-à-dire le fait de plaquer des formes connues sur des images abstraites. Des nuages, mais aussi des taches, des flaques d’eau, bref toutes sortes de formes, un peu comme les gens qui voient le visage du Christ sur un toast. Mais moi, mon truc, ce sont les cartes.

Depuis, je cherche les cartes partout, dans les assiettes au restaurant, dans les taches de cafés laissées au fond de la tasse, sur des murs dont la peinture s’écaille ou des carrelages abîmés. Je traque les accidents cartographiques et ma collection s’agrandit au fil du temps. Je trouve qu’il y a quelque chose de beau et poétique dans cet emboîtement d’échelles. Trouver le très grand dans le très petit par exemple, comme ce minuscule pétale en forme d’Amérique du Sud. Trouver une minuscule Russie sur le rebord d’une fenêtre, ou un gigantesque Canada dans un nuage qui occupe tout le ciel. 

Cette cartographie accidentelle permet aussi de brouiller les frontières et de rapprocher les espaces. Trouver le Maroc lors d’un voyage en Espagne. Le Niger lors d’une virée à Venise. Le continent africain qui se découpe dans le ciel des Pouilles. C’est une mise en abyme cartographique qui se met en place quand on découvre des #thingsMap en voyage à l’étranger. Et quand j’en repère une sur le chemin du travail, ou lors d’une pause ou d’un déjeuner, c’est du voyage pour pas cher.

Je marche désormais les yeux rivés au sol, ou perdus dans les nuages. Je regarde machinalement chaque tache, chaque motif sur les fauteuils du métro en espérant y trouver des cartes. Ça peut être un pays, une région, un continent entier ou simplement la forme d’une ville. C’est un atlas mental et accidentel.


Le Texas qui se dessine le long de ces fenêtres du Cannaregio, à Venise
Le Niger se découpe sur un mur du quartier du Cannaregio, à Venise
L’Italie, vue sur un mur de la rue Tiphaine, à Paris
La Bretagne dans les nuages du 13e arrondissement de Paris
La Nouvelle-Zélande, aperçue sur le sol de l’aéroport de Madrid
La péninsule de Basse-Californie dans une tache de café, à Paris
La Finlande vue dans une assiette de gyozas à Bagnolet
Le continent africain dans le ciel de Martina Franca, dans les Pouilles, en Italie
La Grande-Bretagne aperçue sur une gouttière quelque part dans les Yvelines
Le Japon repéré sur un mur du Cannaregio, au nord de Venise

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Jules Grandin
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